Le fait est bien connu tant je l’ai toujours raconté : je suis née d’une
famille où bien-manger et partager autour d’une cocotte étaient art de vivre et
cuisiner et pâtisser, passions et religions…
Dans cette famille, que l’on ai
été cuisiniers et cuisinières de métier, charcutier, charpentier, épicier ou
institutrice, il était de son devoir et de son vouloir de transmettre :
transmettre des valeurs, transmettre une histoire, transmettre un savoir, un
savoir-faire, une technique et bien sûr transmettre des recettes.
Il y a toujours un âge et une
époque de vie où l’on néglige un peu ce que l’on a reçu des siens, et même si
je me suis construite autour de ce que l’on m’a transmis, je reconnais que le
statut de « 4e génération d’une famille de … » pousse un peu à s’affranchir
de la transmission pour construire un caractère et une personnalité, voire même
un prénom.
Aujourd’hui, la maturité aidant –
et peut être aussi parce que je suis maman de deux petites filles pour qui mon
grand plus grand désir est de bien transmettre -, je retombe dans l’émotion et
la reconnaissance de ce que j’ai appris des miens et surtout des femmes qui ont
traversé ma vie. Car, même si dans ma famille beaucoup d’hommes cuisinaient
parce que c’était leur métier, je réalise que la transmission culinaire passait
avant tout par les femmes.
Mes deux grand-mères ont eu une
importance capitale dans mon éducation culinaire : Louise Darroze, la cuisinière de l’ombre,
celle sans qui mon grand-père Jean n’aurait jamais été le chef doublement
étoilé des Landes, m’a avant tout appris à choisir le produit, puis à le
magnifier à travers des recettes parfois très classiques comme le foie gras en
verrine, le poulet à l’oignon ou le lapin à la moutarde, mais aussi à travers des
plats qui pour les landais que nous étions pouvaient paraître très exotiques :
la brandade de morue, la paella ou autres spaghettis Carbonara. Charlotte, ma
grand-mère maternelle, régalait tous les jours à sa table l’écolière que j’étais
et ses tomates farcies, sa daube de cèpes ou ses carottes à la béchamel restent
pour moi des monuments de gastronomie.
Quant à son gâteau à la crème de
lait, ce fut le premier dessert pour lequel, enfant, je mettais la main à la
pâte, en prenant un plaisir gourmand à « curer » le fond du cul de poule.
Si je n’ai que très peu de
souvenirs de Germaine, la grand-mère de papa qui fut la cuisinière qui lança la famille Darroze
dans le monde de la gastronomie – hormis le fameux artichaut barigoule au foie gras
qui a fait la gloire de notre maison landaise - , j’ai par contre dans ma
bibliothèque « l’Urbain- Dubois » annoté de la main de Marie Rioux, maman de
mon arrière-grand père maternel, qui fut la cuisinière particulière de quelques
familles bourgeoises parisiennes dont celle d’Henri Blériot quand il vola au
dessus la Manche, ainsi que le livre de cuisine de Denise, soeur de mon
grand-père Pierre, qui tenait une simple auberge de village mais qui valait
bien un grand détour. Leurs tours de mains pour des oeufs mimosas, une bonne
blanquette de veau, un homard à l’américaine ou un chou à la crème à la fois
fondant et craquant restent toujours actuels.
Au delà du lien filial, que dire
du leg de Léna Muratore, qui durant mon apprentissage chez Alain Ducasse, m’accueillait
si souvent dans sa campagne ligurienne pour m’apprendre à confectionner gnocchi,
taggliatelles, ravioli ou autre pissaladière et « torta verde », m’ouvrant
ainsi aux classiques de la cuisine italienne, partie désormais intégrante de
mon ADN de cuisinière.
Quant à Paulette, ma grand-tante
qui avait passé quelques années de sa jeunesse à Saïgon, elle m’a montré
comment rouler mes premiers rouleaux de Printemps et cuisiner mes premiers phô,
bien avant que la cuisine vietnamienne ne devienne partie intégrante de ma vie
de part l’origine de mes petites filles ; alors que « Amatxi » Fanni,
grand-tante d’Hendaye, me révélait les secrets du gâteau basque, du « ttoro », du
merlu « Koxkera » ou des garbenzos au chorizo.
A travers une série de tapas, de
plats et de desserts que j’ai choisis de servir au Salon de ma maison parisienne,
« L’héritage de mes grand-mères » est l’occasion pour moi de rendre hommage à
toutes ces femmes qui m’ont transmis leur philosophie et leur culture de la
cuisine autant que leurs recettes.
Ce sont des préparations
traditionnelles (même si sur certaines j’aime ajouter un petit twist), que l’on
pourrait parfois jugées trop classiques sortant des cuisines de la rue d’Assas
mais qui, plus que n’importe quelle création étoilée, demande savoir-faire,
maîtrise, rigueur et respect. A travers ces « madeleines de Proust » je
souhaitais faire appel à la mémoire et remercier ces « grand-mères » qui m’ont
légué leurs recettes mais aussi leurs valeurs, et qui ont fait de moi la
cuisinière passionnée que je suis.
-Formule déjeuner : plat du jour
+ dessert du jour 28€ -Formule dîner : 2 tapas en entrée + plat du jour
+Dessert du jour 65€
Informations : Restaurant Hélène Darroze, 4, rue d’Assas,
Paris 6e - www.helenedarroze.com
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