mardi 18 mars 2014

L’héritage de mes grand-mères par Hélène Darroze

Le fait est bien connu tant je l’ai toujours raconté : je suis née d’une famille où bien-manger et partager autour d’une cocotte étaient art de vivre et cuisiner et pâtisser, passions et religions…



Dans cette famille, que l’on ai été cuisiniers et cuisinières de métier, charcutier, charpentier, épicier ou institutrice, il était de son devoir et de son vouloir de transmettre : transmettre des valeurs, transmettre une histoire, transmettre un savoir, un savoir-faire, une technique et bien sûr transmettre des recettes.

Il y a toujours un âge et une époque de vie où l’on néglige un peu ce que l’on a reçu des siens, et même si je me suis construite autour de ce que l’on m’a transmis, je reconnais que le statut de « 4e génération d’une famille de … » pousse un peu à s’affranchir de la transmission pour construire un caractère et une personnalité, voire même un prénom. 

Aujourd’hui, la maturité aidant – et peut être aussi parce que je suis maman de deux petites filles pour qui mon grand plus grand désir est de bien transmettre -, je retombe dans l’émotion et la reconnaissance de ce que j’ai appris des miens et surtout des femmes qui ont traversé ma vie. Car, même si dans ma famille beaucoup d’hommes cuisinaient parce que c’était leur métier, je réalise que la transmission culinaire passait avant tout par les femmes.

Mes deux grand-mères ont eu une importance capitale dans mon éducation culinaire : Louise Darroze, la cuisinière de l’ombre, celle sans qui mon grand-père Jean n’aurait jamais été le chef doublement étoilé des Landes, m’a avant tout appris à choisir le produit, puis à le magnifier à travers des recettes parfois très classiques comme le foie gras en verrine, le poulet à l’oignon ou le lapin à la moutarde, mais aussi à travers des plats qui pour les landais que nous étions pouvaient paraître très exotiques : la brandade de morue, la paella ou autres spaghettis Carbonara. Charlotte, ma grand-mère maternelle, régalait tous les jours à sa table l’écolière que j’étais et ses tomates farcies, sa daube de cèpes ou ses carottes à la béchamel restent pour moi des monuments de gastronomie.

Quant à son gâteau à la crème de lait, ce fut le premier dessert pour lequel, enfant, je mettais la main à la pâte, en prenant un plaisir gourmand à « curer » le fond du cul de poule.

Si je n’ai que très peu de souvenirs de Germaine, la grand-mère de papa qui fut la cuisinière qui lança la famille Darroze dans le monde de la gastronomie – hormis le fameux artichaut barigoule au foie gras qui a fait la gloire de notre maison landaise - , j’ai par contre dans ma bibliothèque « l’Urbain- Dubois » annoté de la main de Marie Rioux, maman de mon arrière-grand père maternel, qui fut la cuisinière particulière de quelques familles bourgeoises parisiennes dont celle d’Henri Blériot quand il vola au dessus la Manche, ainsi que le livre de cuisine de Denise, soeur de mon grand-père Pierre, qui tenait une simple auberge de village mais qui valait bien un grand détour. Leurs tours de mains pour des oeufs mimosas, une bonne blanquette de veau, un homard à l’américaine ou un chou à la crème à la fois fondant et craquant restent toujours actuels.

Au delà du lien filial, que dire du leg de Léna Muratore, qui durant mon apprentissage chez Alain Ducasse, m’accueillait si souvent dans sa campagne ligurienne pour m’apprendre à confectionner gnocchi, taggliatelles, ravioli ou autre pissaladière et « torta verde », m’ouvrant ainsi aux classiques de la cuisine italienne, partie désormais intégrante de mon ADN de cuisinière.

Quant à Paulette, ma grand-tante qui avait passé quelques années de sa jeunesse à Saïgon, elle m’a montré comment rouler mes premiers rouleaux de Printemps et cuisiner mes premiers phô, bien avant que la cuisine vietnamienne ne devienne partie intégrante de ma vie de part l’origine de mes petites filles ; alors que « Amatxi » Fanni, grand-tante d’Hendaye, me révélait les secrets du gâteau basque, du « ttoro », du merlu « Koxkera » ou des garbenzos au chorizo.

A travers une série de tapas, de plats et de desserts que j’ai choisis de servir au Salon de ma maison parisienne, « L’héritage de mes grand-mères » est l’occasion pour moi de rendre hommage à toutes ces femmes qui m’ont transmis leur philosophie et leur culture de la cuisine autant que leurs recettes.

Ce sont des préparations traditionnelles (même si sur certaines j’aime ajouter un petit twist), que l’on pourrait parfois jugées trop classiques sortant des cuisines de la rue d’Assas mais qui, plus que n’importe quelle création étoilée, demande savoir-faire, maîtrise, rigueur et respect. A travers ces « madeleines de Proust » je souhaitais faire appel à la mémoire et remercier ces « grand-mères » qui m’ont légué leurs recettes mais aussi leurs valeurs, et qui ont fait de moi la cuisinière passionnée que je suis.

-Formule déjeuner : plat du jour + dessert du jour 28€ -Formule dîner : 2 tapas en entrée + plat du jour +Dessert du jour 65€

Informations : Restaurant Hélène Darroze, 4, rue d’Assas, Paris 6e - www.helenedarroze.com



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