La deuxième exposition temporaire
du Louvre Abu Dhabi explore l'histoire de la représentation sphérique du monde
et de ses instruments scientifiques depuis l'Antiquité jusqu’à nos jours à
travers 160 œuvres issues des riches collections de la Bibliothèque nationale
de France et de prêts exceptionnels.
Plus d’une quarantaine de globes
et sphères, des vestiges archéologiques rares, de riches traités manuscrits ou
imprimés, des astrolabes et de somptueuses mappemondes, invitent les visiteurs
du Louvre Abu Dhabi à parcourir les 2500 ans de cette histoire des sciences et
des représentations du monde. Le commissariat de cette exposition a été confié
à Catherine Hofmann, conservateur en chef de la Bibliothèque nationale de
France (BnF) et François Nawrocki, conservateur en chef et directeur adjoint de
la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris.
Le Louvre Abu Dhabi retrace la
quête de l'humanité pour comprendre et explorer le Monde dans sa deuxième
exposition temporaire, qui vient d’ouvrir le 23 mars. La scénographie originale
de l’exposition conçue sous forme de sphères par Laurence Fontaine guide le
visiteur dans un parcours chronologique de l’Antiquité à nos jours. Dans la
salle d’introduction où sont exposés les majestueux globes de Vincenzo Coronelli
et la sphère armillaire de Jérôme Martinot, les artistes Jean-Luc et Patricia Boivineau
ont réalisé une interprétation artistique des étoiles et des constellations qui
peuvent être observées dans le ciel d’Abu Dhabi en hiver.
La première partie de
l’exposition est consacrée aux origines antiques, dans lequel les savants et
les philosophes grecs du VIe siècle avant notre ère ont imaginé un univers
composé de sphères imbriquées portant les planètes et les étoiles. Aristote a
noté l'ombre circulaire de la Terre sur la Lune qui corrobore l'hypothèse d'un
monde sphérique. Les premiers globes et sphères furent produits à partir du
quatrième siècle avant notre ère ; l’exposition présente sous la forme d’une
petite sphère céleste en argent, datant de 200 avant notre ère et mesurant
seulement 6,4 cm de diamètre, le plus ancien exemple connu à ce jour. Pétri des
cultures de l'Egypte ancienne, de la Perse et de Babylone, promu par les plus
grands philosophes antiques, de Platon à Aristote, et développé par les savants
de la période hellénistique, tel Claude Ptolémée (Egypte, IIe siècle), ce
modèle de l’univers a irrigué la connaissance du monde pendant plus de 1500
ans, dans les civilisations romaine, islamique ou chrétienne. De rares vestiges
archéologiques tel le planisphère céleste de Bianchini prêté par le Musée du
Louvre, de nombreuses monnaies romaines, de précieux manuscrits arabes et
latins, en portent un éloquent témoignage dans l'exposition.
Du VIIIe au XVe siècle, les
astronomes du monde arabo-musulman furent à la pointe de la recherche en
astronomie. Globes célestes et astrolabes étaient alors parmi les instruments
scientifiques les plus répandus en terres d’Islam, de l’Andalousie musulmane à
l’Inde moghole. Quelques-uns parmi les plus anciens sont présents dans
l’exposition : l’astrolabe d’Ahmad ibn Khalaf
(Iraq, Xe siècle), les sphères d’Ibrahim ibn Said al-Sahli al-Wazzan
(Espagne, XIe siècle) et Yunus ibn al-Husayn al-Asturlabi (Iran, 1144).
Permettant la régulation du calendrier lunaire, la détermination des cinq temps
de la prière ou l’orientation du croyant en direction de La Mecque (qibla), la
connaissance des mouvements du Ciel était essentielle au respect des
prescriptions religieuses en Islam. Dans l’Occident chrétien, le renouveau
scientifique se fit essentiellement à partir du Xe siècle grâce aux grands
centres de traductions arabo-latines de l’Espagne musulmane, comme Cordoue ou
Tolède. Au XIIe siècle, la redécouverte d’Aristote et de l’Almageste de
Ptolémée tout comme la traduction du Kitâb suwar al-kawâkib al-thâbita (Traité
des étoiles fixes) du Persan Abd al-Rahman al-Sufi renouvelèrent profondément
les bases du savoir astronomique en Occident. L’exposition présente une rare
traduction latine illustrée de ce traité, le Liber de locis stellarum fixarum
(Italie, XIIIe siècle).
Acceptée depuis longtemps par les
personnes les plus instruites, l'hypothèse de la forme sphérique de la Terre se
diffuse alors plus largement dans la société, comme le montre L'Ymage du monde
de Gossuin de Metz, traité de vulgarisation en français.
Au temps des grandes découvertes
et des explorations, les globes deviennent à la fois un outil permettant aux
navigateurs de parcourir le monde et un moyen de faire connaître leurs
nouvelles découvertes, comme le montrent des globes terrestres uniques et
rarement exposés du temps des grands voyages de Christophe Colomb et de
Magellan. Le savoir des géographes, ajouté à celui des astronomes, forme la
base de la cosmographie, une discipline majeure au XVIe siècle. Si les voyages
et le commerce ont permis d'élargir les horizons des Européens et d'enrichir
leurs visions du monde, ils ont aussi permis d'exporter ces visions vers
d'autres continents, à l'exemple d'une tapisserie en laine et en soie de la
Manufacture de Beauvais dite « Les Astronomes » de l’ensemble l'Histoire
de l'Empereur de Chine et de l’un des paravents Namban de la collection du
Louvre Abu Dhabi. Les globes terrestres et célestes deviennent alors des objets
domestiques et prennent dans les arts une grande variété de formes artistiques
et de significations symboliques, y compris de superbes gravures et peintures,
et des médaillons tels que l'Assiduité du roi Louis XIV à ses conseils (1661).
L'exposition se termine par les
sphères en révolutions, aux XVIIe et XVIIIe siècles, lorsque les savants
remettent en cause les fondements classiques de cette théorie. Le Soleil prend
la place de la Terre au centre de la sphère céleste. Avec les nouvelles
découvertes des astronomes à l’aide de télescopes toujours plus gigantesques et
puissants, avec la loi de Newton et les théories révolutionnaires des savants
des Lumières posant les jalons de l’astrophysique, les vieilles frontières de
l’Univers explosent. Sur la Terre, les expéditions de Maupertuis en Laponie et
de La Condamine au Pérou, puis de La Pérouse en Océanie – commémorée par le
fameux tableau de Monsiau, des collections du château de Versailles – révèlent
la véritable forme et les dimensions réelles de notre planète, tandis que la
connaissance de ses parties les plus lointaines se précise. Au XIXe siècle, les
méthodes de production sont améliorées et les globes terrestres deviennent des
objets de tous les jours, déclinables sous toutes les formes, des minuscules
globes de poche aux bâtiments colossaux tels que le Grand Globe Céleste de
l’Exposition Universelle de Paris de 1900, construit à côté de la Tour Eiffel.
Parallèlement, les artistes empruntent et réinterprètent la forme de notre
planète vue de l’espace, dont l’image est devenue populaire bien avant la
conquête spatiale et les célèbres photographies du programme Apollo – comme on
peut le voir par exemple avec le film de Georges Méliès Le Voyage dans la Lune
ou le spectaculaire tableau Réflexion d'un œuf d'or d'Alain Jacquet. Les globes
continuent aujourd’hui encore à être des objets porteurs de multiples sens
symboliques et des sources d’inspiration.
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